Blog scientifique sur l'A.L.S.© (Analyse des Logiques Subjectives©), méthode originale d'analyse de discours partant des métaphores quotidiennes et de la psychanalyse. Applications dans de nombreux domaines des Sciences Humaines et Sociales : linguistique, littérature (Camus), poésie (Baudelaire), traduction, rhétorique, argumentation, psychologie sociale. Textes, articles, exercices, discussions,dictionnaires.Google+
Du schéma L au schéma P ?
Cheminement dans le temps et l'espace, d'un schéma à un autre,
en essayant de parvenir à compter jusqu'à quatre...
(le résultat ci-dessus est amené par le développement qui suit)
Compter jusqu'à quatre... Le propos se voulant justement "schématique" (!!!), ce jalonnement n'est ici qu'évoqué et illustré d'exemples, mais pas véritablement argumenté. L'abondante littérature sur le sujet pourra sans peine se consulter...
— "Un" (au sens qu'il a dans "unité") relève de l'Imaginaire :
« Quelque chose "dans le Réel Parlant" (le langage) se met à fonctionner de telle sorte que la fiction de l'Un apparaît ("être", "totalité", "unité", "indivisibilité", "identité à soi-même", etc., ce "Un-de-sens" ne devant pas être confondu avec le "Un comptable"). C'est l'Imaginaire ».
( Alternative à la triade "Réel, Symbolique, Imaginaire" )
Par exemple : "Ce qui parle sans le savoir me fait je, sujet du verbe" (Lacan, Séminaire Encore)...
— "Deux" relève du fantasme :
" Au fil des identifications, un certain nombre de signifiants sont considérés par le Moi comme ne faisant pas partie de lui-même ("Je suis ceci et pas cela") et attribués à l'autre imaginaire. Si ces signifiants ont une connotation favorable, l'autre imaginaire en porte le mérite et devient digne d'amour. Dans le cas contraire, il est rendu coupable du "choix" des signifiants qu'on lui attribue, et devient alors le "bouc émissaire" celui qu'on ne veut surtout pas être et qu'il faut éventuellement détruire. "
( http://langaginconscient.zeblog.com/admin-langaginconscient-41180 )
De ce fait, les dichotomiesprésentes dans les énoncés théoriques devront "faire leur preuve", un principe de précaution méthodologique invitant à les suspecter de seulement reconduire des oppositions fantasmatiques dûment recensées auparavant (voir la note 1).
— "Trois" marque un progrès dans la description et la théorisation :
En linguistique, Saussure substitue au couple "les mots et les choses" la triade signifiant / signifié / référent...
En psychanalyse, Lacan introduit le ternaire Réel / Symbolique / Imaginaire (R, S, I), qui, énoncé dans l'ordre initial (S, I, R) n'est pas sans rapport analogique avec la triade linguistique précédente.
Dans la foulée de ce dernier, je propose : « Il n'y a pas, comme le croient les positivistes ou leurs adversaires amateurs de paranormal, une opposition binaire rationnel / irrationnel, mais trois termes : rationnel, irrationnel, logique, le logique (logos !) structurant de façon différente le rationnel et l'irrationnel. Et la logique de l'irrationnel, c'est principalement la psychanalyse, quand toutefois elle veut bien être logique !!! »
... et ailleurs je resitue la bien connue triade subjective Imaginaire / fantasme / inconscient (au sens restreint) sur un schéma proposant une alternative aux termes du ternaire lacanien... (voir la note 2)
Enfin, dans mon article de 2010 sur "Psychanalyse et propangande" (revue Topique n° 111), je substitue à nouveau à l'opposition binaire "pensée critique / affectivité (le cœur et la raison) un modèle à trois termes cognition (verbale) / subjectivité (verbale) / affect (biologique) :
« L’identification subjective, définie comme la connexion signifiant-affect résultant d’une suggestion exercée par le parent sur l’enfant, conduit graduellement d’une situation où plaisir et déplaisir étaient suscités par les besoins (chez le nourrisson) à une situation où c’est le signifiant qui a acquis le pouvoir de les convoquer (chez l’enfant plus grand qui, déjà repu et choyé, demande « raconte-moi une histoire », puis chez l’adulte, qui ne manquera jamais de ressources pour s’en inventer).
C’est cette alliance intimement scellée dans l’enfance entre le motet l’émotion qui, jointe au refoulement, rendra compte de « l’impuissance de la pensée critique face aux sirènes de l’affectivité » : le ressenti passe pour l’étalon du vrai (« l’éprouvé ne ment pas »), et loin que ces sirènes fassent directement triompher le cœur sur la raison, c’est de leur parolesmobilisant des affects qu’elles tirent le pouvoir de faire taire la critique intérieure ou extérieure.
Ëtre refoulés dans l’inconscient et liés aux affects n’enlève pas aux motsleur qualité verbale, et le conflit cognitif vs subjectif n’est nullement réductible au conflit intellect vs affect : « le cœur a ses raisons... » puisque dans le texte subjectif opère une logique(logos), et l’on se trouvera fondé à proposer ci-après une « Analyse des Logiques Subjectives » applicable au phénomène de la propagande. » (http://www.cairn.info/revue-topique-2010-2-page-31.htm )
— "Quatre" serait finalement, à suivre Lacan, le "top du top" en matière de description et de théorisation :
« Une structure quadripartite est depuis l’inconscient toujours exigible dans la construction d’une ordonnance subjective (Kant avec Sade, Écrits, p. 774) ».
Exemple 1 : "Le schéma L est censé décrire la structure du sujet telle qu’elle se manifeste dans la relation analytique, qui n’est pas une relation duelle mais une relation quaternaire comparable à une partie de bridge [Lacan, 1966, p. 589]. Voici comment l’auteur présente lui-même la version simplifiée de son schéma L que nous reproduisons ci-après. « La condition du sujet S (névrose ou psychose) dépend de ce qui se déroule en l’Autre A. Ce qui s’y déroule est articulé comme un discours (l’inconscient est le discours de l’Autre) […] À ce discours comment le sujet serait-il intéressé s’il n’était pas partie prenante ? Il l’est, en effet, en tant que tiré aux quatre coins du schéma : à savoir S, son ineffable et stupide existence, a, ses objets, a’, son moi, à savoir ce qui se reflète de sa forme dans ses objets, et A le lieu d’où peut se poser à lui la question de son existence » [Lacan, 1966, p. 549]. "
(http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=RDM_037_0253)
Exemple 2 : Les quatre discours, s'écrivant chacun des quatre mêmes lettres permutées en quatre places
Exemple 3 : Le nœud borroméen à quatre ronds
* * * * *
Ce schéma L à quatre termes de Lacan donne lieu dans les Écrits à une complexificationsous la forme du schéma R,et à une distorsion-désarticulation(dans le cas de la psychose) sous la forme du schéma I. J'avais, dans mon mémoire de psychiatrie sur la psychothérapie des psychoses, développé le schéma R en trois dimensionssuivant les abondantes notes complémentaires fournies par Lacan. Ce schéma développé se trouve ici, longuement commenté :
Belle source d'inspiration que ce schéma : il m'a donné l'idée d'essayer de faire figurer, là aussi avec quatre sommets, les rapports entre des termes revenant fréquemment dans les textes évoqués ci-dessus.
— Premier schéma, à deux termes seulement, présentant l'hypothétique relation directe, "originelle" et peut-être bien mythique, entre ce qui est perçu (le perceptum, en latin, dans le texte de Lacan sur la psychose) et l'affect (plaisir / déplaisir), avant la prise du langage sur le psychisme humain. C'est d'autre part la représentation fallacieuse — qu'auraient "l'homme de la rue" mais aussi l'intellectuel méconnaissant la psychanalyse — de l'existence (évidemment impossible) d'une telle relation directe chez l'adulte :
Insistons déjà sur le fait que, s'il n'est mentionné ici que l'affect, c'est que Lacan insiste dans son texte sur l'inexistence d'un percipiens, d'un sujet percevant unifié : "Nous osons en effet mettre dans le même sac, si l’on peut dire, toutes les positions qu’elles soient mécanistes ou dynamistes en la matière, que la genèse y soit de l’organisme ou du psychisme, et la structure de la désintégration ou du conflit, oui, toutes, si ingénieuses qu’elles se montrent, pour autant qu’au nom du fait, manifeste, qu’une hallucination est un perceptum sans objet, ces positions s’en tiennent à demander raison au percipiens de ceperceptum, sans que quiconque s’avise qu’à cette requête, un temps est sauté, celui de s’interroger si le perceptum lui-même laisse un sens univoque au percipiens ici requis de l’expliquer." (l'idée d'un sujet univoque, unifié, relève de l'Imaginaire).
Ce premier schéma ne vaut en fait que par ce qui va s'y superposer dans les suivants.
(la suite se trouve ici...)
___________________________________
(note 1) L'A.L.S. se fonde sur le constat de ces oppositions binaires dans la langue:
"Il existe dans une langue comme le français des sous-langues subjectives (les « parlers ») qui, bien que différentes, se comprennent tant bien que mal en se retraduisant l’une dans l’autre. Ces parlers sont des combinaisons de mots simples ou complexes affectés d’une valeur positive ou négative.
- Les mots simples (« atomes » de sens) sont toujours des adjectifs exprimant des propriétés simples (ouvert/fermé, nouveau/ancien), distribués dans deux listes d’opposés, les séries :
- La série « A » concerne l’extérieur, le changement, le désordre, la destruction de l’ancien. Elle se compose d’adjectifs simples comme : ouvert, souple, varié, changeant, nouveau, libre...
- La série « B » concerne au contraire l’intérieur, le non-changement, l’ordre, la conservation. Elle se compose d’adjectifs simples comme : sérieux, ferme, stable, ancien, solide, durable.
(...) Les séries d'atomes A et B sont donc des listes de traits sémantiques minimaux (ou sèmes) opposés terme à terme, par exemple ouvert/fermé, souple/rigide, lointain/proche.
Le discours, dans son fonctionnement fantasmatique, réduit les « éventails » cognitifs, par exemple les états de la matière, à deux traits opposés (ici : fluide/non fluide). C'est la nécessité d'argumenter, de défendre « son » identification, qui place le locuteur dans un camp ou l'autre même s’il peut en changer au cours de son argumentation. Lakoff et Johnson (1985) font remarquer, au sujet des « mythes » de l’objectivisme et du subjectivisme dans la culture, que : "l’objectivisme et le subjectivisme ont besoin l’un de l’autre pour exister. Chacun se définit par opposition à l’autre et voit en lui un ennemi." (souligné par nous).
C'est pourquoi nous ne retrouvons que deux séries — recombinables ensuite dans des proportions très diverses. C'est le fantasme qui est réducteur, dichotomique, manichéen, pas notre description. Le même historien des religions qui aura recensé des dizaines de dieux grecs ou égyptiens ne peut faire autrement que de dénombrer en Perse à telle époque DEUX divinités et DEUX seulement, et se trouve fondé à décrire l'opposition binaire d'Ormuzd et d'Ahriman sans la croire inscrite ailleurs que dans la conviction de leurs sectateurs. Notre description procède d'un constat, non d'un simplisme dogmatique.
(https://hal.inria.fr/file/index/docid/785724/filename/ML_logiciste.pdf)
(note 2) L'Imaginaire de Lacan est ici rebaptisé Réel Parlant Unifiant...